Pénurie d’enseignant.e.s : plan d’urgence pour une revalorisation du métier

Les média ont largement relayé l’information en ce début d’année scolaire : l’école soufre aujourd’hui d’une pénurie d’enseignant.e.s, dans le secondaire notamment. C’est une bonne nouvelle pour la Macronie, dont le projet néo-libéral parachève les politiques mises en œuvre depuis plusieurs décennies : diminuer le nombre de titulaires admis aux concours afin de précariser la profession en faisant appel à de nombreux contractuels (un quart des effectifs environ aujourd’hui) mal formés, mal payés, bien plus flexibles et malléables.

Cette dégradation pilotée de l’école publique prépare à sa marchandisation par secteurs : le privé et les capitalistes s’en frottent les mains. Et tant pis pour les générations sacrifiées sur l’autel de la rentabilité.

Pour préserver son école publique et déployer un enseignement de qualité, la société dans son ensemble doit se mobiliser afin que chaque enfant et chaque jeune puisse en bénéficier. Partant, il est urgent et fondamentalement nécessaire de mettre en œuvre un plan d’urgence pour l’école dans son ensemble et, en particulier, de revaloriser le métier d’enseignant.e.s. Enfin, si la question du salaire est importante dans cette optique, d’autres points paraissent essentiels.

1 – Le temps de travail

Comment et quand le temps de travail des enseignants a-t-il été défini ?

Le décret de loi date du 25 mai… 1950 ! A cette époque, la loi encadrait le temps travail dans la société française en le soumettant à un maximum de 45 heures par semaines. Il fut décidé que :

  • Pour faire classe, les institutrices et les instituteurs avaient nécessairement besoin d’un temps de préparation des séquences, ainsi que d’un temps consacré aux corrections des travaux de leurs élèves. On jugea que trente minutes pouvaient être attribuées à ces tâches pour chaque heure de classe, et le temps de classe fut par conséquent fixé à 30h, pour un temps hors la classe égal à 15h, et une durée totale de travail égale à 45h. Le temps de classe fut ramené à 27h en 1968, puis 26h en 2002 auxquelles s’ajoutait 1h de concertation et, depuis 2008, le temps de classe a été réduit à 24h, auxquelles il faut ajouter 3h hebdomadaires d’obligations diverses (activités pédagogiques complémentaires, animations pédagogiques obligatoires, conseils d’école, etc…), précisées par une circulaire en 2013.
  • Dans le secondaire, les professeurs certifiés (travaillant alors en collège ou avec des classes de seconde) étaient soumis aux mêmes contraintes, préparations et corrections étant encore plus conséquentes, au vu du niveau d’enseignement. On jugea qu’une heure et demie pouvait être attribuée à ces tâches pour chaque heure de classe, et le temps de classe fut par conséquent fixé à 18h, pour un temps hors la classe égal à 27h, et une durée totale de travail égale à 45h.
  • La même logique s’appliquait aux professeurs agrégés (travaillant alors avec des classes de première ou terminale). On jugea que deux heures pouvaient être attribuées à ces tâches pour chaque heure de classe et le temps de classe fut fixé à 15h pour un temps hors la classe égal à 30h, et une durée totale de travail toujours égale à 45h.
  • La même logique encore s’appliquait aux enseignants du supérieur, avec un temps de classe encore plus réduit, compte-tenu du temps encore augmenté à consacrer aux préparations et aux corrections.

Ces dispositions sont encore en vigueur 73 ans plus tard, à l’heure où le temps de travail en France est pourtant encadré par la loi et défini à 35 heures hebdomadaires ! Toutes les enquêtes montrent clairement que la surcharge de travail, due à de multiples paramètres, s’est généralisée chez les enseignant.e.s, qui consacrent en moyenne… un peu plus de 44 heures par semaine à leur emploi ! Soit quasiment et sans surprise les 45 heures initiales !

Sous couvert de politiques d’austérité menées par les gouvernements néo-libéraux successifs, justifiées par des « crises » régulières qui permettent de ne pas les remettre en question, c’est bien, une fois encore, la fonction publique qui est ainsi dégradée, et l’éducation des enfants remisée au second plan.

SUD Lutte de classes – éducation revendique que le temps de travail des enseignant.e.s soit ré-évalué à l’aune des 35 heures hebdomadaires et par conséquent diminué en conséquence : 18 heures de classe pour les professeurs du 1er degré et 14 heures de classe pour les professeurs du 2nd degré, afin de permettre aux enseignant.e.s d’exercer leur métier dans de bonnes conditions et de préserver ainsi la qualité de l’école publique !

Revaloriser le métier passe par un ré-ajustement du temps de travail !

2 – Le travail en équipe

Les métiers de l’éducation ont beaucoup évolué au cours des dernières décennies, et celui d’enseignant.e particulièrement. Comme dans d’autres secteurs, l’arrivée en trombe des technologies numériques a non seulement modifié en profondeur les pratiques, mais aussi permis à une bureaucratie chaque jour plus autoritaire de s’installer aux commandes des établissements scolaires. Le métier d’enseignant.e en a été quelque peu précarisé (sans même évoquer les situations des AESH ou des AED), chacun.e étant soumis à des injonctions de plus en plus contradictoires et des pressions de moins en moins supportables. Ces techniques de néo-management ont d’ores et déjà été éprouvées par le passé dans d’autres secteurs, en premier lieu à France-Télécom ; on en connaît le résultat : la souffrance au travail qu’elles ont générée et qui s’est incarnée dans les innombrables burn-out et les trop nombreux suicides ont été condamnées par la justice. L’hôpital et l’école, premières cibles désormais du capitalisme financier, y sont aujourd(hui soumis.

Il est donc fondamentalement nécessaire de reprendre collectivement la main sur nos métiers : nous sommes les professionnel.le.s de l’éducation, formé.e.s pour maîtriser nos pédagogies, nos modalités d’évaluation, les projets que nous souhaitons mener dans l’intérêt de nos élèves, la façon dont nous souhaitons établir un lien avec leurs familles, notre manière de travailler ensemble au sein d’un établissement, les formations auxquelles nous aspirons pour faire évoluer nos pratiques si nous le souhaitons…

C’est en nous ré-appropriant nos métiers, en étant à l’initiative de ce que nous choisissons de mettre en œuvre que nous pourrons faire corps et éloigner voire mettre fin aux pressions exercées par nos hiérarchies !

Or ce travail en équipes doit être possible : des heures de concertation (au sein d’une même école primaire pour envisager des décloisonnements, au sein des équipes en place dans le second degré pour envisager des projets inter-disciplinaires…) doivent être intégrées à nos emplois du temps pour le favoriser et assurer ainsi une meilleure prise en charge, concertée, de nos élèves.

Gageons que si nous redonnons ainsi du sens à l’enseignement, les élèves retrouveront un sens à leurs apprentissages.

3 – Les effectifs d’élèves par classe

Revendiquer et imposer 20 élèves au maximum dans nos classes est d’abord un moyen de défendre la qualité de l’école publique. En effet, la dégradation de l’école publique et des conditions de travail de toutes et tous n’est plus à démontrer : dégradation des conditions matérielles, hausse de la charge de travail pour les enseignants et les personnels… rendent de plus en plus difficile l’exercice du métier.

Les élèves sont au cœur de cette logique de rentabilité, à leur détriment ( la superficie des établissements et des classes n’est nullement adaptée à l’accueil de classes surchargées ; le nombre d’élèves est une source d’angoisse pour nombre d’entre eux… ).

Limiter le nombre d’élèves par classe, c’est permettre :

  • un mieux-être pour tous : élèves, enseignants, personnel, …
  • la mise en œuvre de pédagogies coopératives : ces pédagogies (travail en groupe, mise en place de tutorat, meilleur suivi des apprentissages de chaque élève…) sont aujourd’hui promues par l’institution, mais la première condition de leur mise en place est celle justement de l’effectif des élèves dans la classe.
  • Un allègement de la charge de travail des enseignant.e.s, que ce soit en classe (suivi individualisé des élèves) ou hors de la classe (corrections, préparations individualisées des cours le cas échéant, afin de remédier aux difficultés constater et d’accompagner chaque élève individuellement dans ses apprentissages…).

SUD Lutte de classes – éducation revendique ainsi une baisse des effectifs-élèves à tous les niveaux, afin de permettre aux enseignant.e.s d’exercer leur métier dans de bonnes conditions et de préserver ainsi la qualité de l’école publique ! Revaloriser le métier passe par une amélioration des conditions d’apprentissage pour les élèves et des conditions d’enseignement pour le personnel enseignant ! « 20 élèves max dans nos classes » peut et doit devenir le mot d’ordre pour une refondation de l’école  !

3 – Le salaire

SUD Lutte de classes – éducation revendique la hausse immédiate de la valeur du point d’indice, commune à tous les agents de la Fonction publique, fonctionnaires ou non-titulaires, et le rétablissement de son indexation sur l’évolution des prix. Contrairement aux diverses indemnités désormais associées à différentes missions et donc à une charge de travail accrue, la hausse de la valeur du point d’indice et donc du salaire brut obligera l’employeur à à financer les différentes caisses de sécurité sociale et donc à assurer, comme c’est la loi, la protection sociale de tous ses agents.

En outre, cette hausse aura également pour conséquence, comme c’était auparavant le cas, d’indexer mécaniquement l’ensemble des salaires de la Fonction Publique, et par là-même ceux de toute la société (le privé se mettra au diapason), sur l’évolution des prix à la consommation. En cette période de crises multiples où l’ensemble de la société subit une paupérisation à grande échelle, il s’agit là d’une lutte primordiale.

Enfin, il va de soi que la prise en charge des enfants par l’Éducation Nationale exige que ceux-ci soient confiés à du personnel correctement formé. L’ensemble des enseignant.e.s ainsi que l’ensemble du personnel éducatif (AESH, AED…) doit pouvoir accéder au statut de fonctionnaire titulaire, via des diplômes certifiant les compétences de chaque agent.e pour exercer son métier. Le personnel de l’Éducation Nationale doit ainsi échapper à la logique capitaliste actuellement déployée via le recrutement d’un nombre massifs d’agents contractuels, dont on sait qu’ils et elles sont malmené.e.s par l’institution, ne serait-ce que par les salaires moindres qui leur sont octroyés. À l’inverse, le diplôme permet de reconnaître une compétence et le versement d’un salaire à vie au personnel qualifié, loin des logiques de marché qui abîment la Fonction Publique et l’école. Revaloriser le métier passe par une augmentation drastique du salaire de l’ensemble des enseignant.e.s, en appui sur la reconnaissance de leur statut !